le vendredi, c’est le début des funérailles.

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J’ai 2 semaines de retard à vous raconter, en version condensée si je veux finir par le sujet du post - les funérailles du week-end dernier. Je me dis que c’est l’été pour vous, et la saison des pluies qui n’en finit pas pour moi, et un peu de légèreté ne fait pas de mal ;) Mais avant cette réjouissante fin, je vais commencer par quelques anecdotes des dernières news de la vie du centre. Sanko, pour mémoire c’est un des villages dont je vous avais parlé, où il existe un centre Kids’ corner. Liz avait rencontré une association d’expatriés motivés pour aider le projet dans le village, dans l’espoir que quelqu’un s’intéresse enfin aux problèmes d’éducation des enfants du village. Je vous avais aussi raconté, que comparativement à la ville (Hohoe), les enfants des villages ont beaucoup plus de retard dans l’apprentissage de la lecture (et écriture). Au vu de l’ampleur du problème, il nous avait paru plus judicieux de s’adresser directement à l’école que d’essayer de faire cela au centre qui n’a pas vocation à être une école.

Cela a été très vite au final, le travail avec le village est plus facile, moins d’interlocuteurs et les gens plus motivés qu’en ville pour faire avancer les choses. Il a fallu d’abord aller à l’administration de l’éducation du district de Hohoe pour demander l’autorisation de contacter l’école de Sanko. Pas de problème particulier, cela nous a permis de découvrir que Sanko est 93ème sur les 95 écoles du district au vue des résultats des examens, pas dernier mais pas loin ! Ca a surpris certains habitants de Sanko, qui pensait que leur école était plutôt dans les 3 premières en entendant le chiffre. Il a fallu ensuite rencontrer le professeur principal, qui a été très ouvert à l’idée de notre participation. Cela coïncide bien, car cette semaine c’est le début des grandes vacances (6 semaines). Avec le professeur, il a été décidé de faire une sorte de programme intensif de lecture, du lundi au vendredi pendant les vacances.

Nous viendrons tous les matins de 8h à 10h pour ne pas couper la journée de travail des enfants en vacances. Le professeur a contacté les chefs du village et le bongo a été frappé pour annoncer la nouvelle à tout le village. Et oui! dans certains villages de nos jours encore, c’est le tambour et le crieur qui parcourt le village pour faire les annonces officielles de la semaine, bien pratique en tout cas… j’aurai bien aimé voir ça (I’m the king of bongo, I’m the king of bongo bong). Entre temps, une petite évaluation avait permis de voir l’ampleur de la tâche. Sur toutes les classes, 4 enfants savent à peu près écrire des mots simples sur 46 élèves.

Après un week-end de préparation et de répartition en groupe, ce lundi, les bénévoles sont partis là-bas en se demandant ce que cela allait donner. Première bonne surprise, tout le monde était là, les enfants en uniforme d’école avec en plus 3 enfants qui ne vont pas à l’école. Cela fait partie des choses qui font réfléchir, des enfants qui ont 15 ans parfois et qui ne savent toujours ni lire ni écrire au bout de 10 ans d’école (certains ne connaissent pas l’alphabet non plus), sont encore motivés pour apprendre et venir essayer une nouvelle fois pendant leur vacances (le prochain que j’entends dire que les petits africains ne veulent pas s’en sortir, il prendra une baffe, tiens ! ;) ).

Je vous reparlerai sûrement plus tard de ce que cela donne. Malheureusement pour moi je ne vais pas trop participer à tout cela, à cause de l’école d’informatique. On a décidé d’ouvrir la semaine prochaine, et c’est la dernière semaine de préparatifs, tout ranger, nettoyer, finir les cours, les inscriptions, installer le matériel (des souris, des câbles, des cartes réseaux et autres) qui doivent arriver cette semaine d’Allemagne avec un autre groupe de bénévoles de Our Children.

Pour le moment, seuls les enfants qui sont en JHS (équivalent du collège) vont en bénéficier, il y a juste 7 ordinateurs pour le moment. On commence avec la base, apprendre à se servir de la souris, du clavier - 2 cours par semaines avec 4 classes, et le matin en accès libre pour pratiquer. Cela fait plaisir d’en arriver là, après plusieurs semaines de préparation et de travail depuis l’inondation de l’ancien centre. Comme je vais suivre ça de très près, je vous tiendrais au courant de la suite.

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Le week-end dernier Sholla, un des gars de l’association, nous avait invité aux funérailles de sa grand-mère qui était décédée il y a 4 semaines. Les funérailles sont un événement important au Ghana que l’on ne peut que remarquer même en tant que simple visiteur. Elles durent 3 jours minimum, avec toute la famille étendue, plus les proches (ce qui fait beaucoup de monde). C’est d’ailleurs un problème, car évidement cela demande beaucoup d’argent et des familles s’endettent (ou se ruinent) pour cela. Les funérailles commencent toujours le vendredi.

Toutes les semaines c’est le même rituel, dans la rue des groupes en noir et rouge défilent au son de la musique en dansant, criant, riant et pleurant, souvent entassés dans les pick-ups pour rejoindre la maison du défunt, c’est le soir des pleurs où l’on dit au revoir au corps. Le samedi, le corps sera enterré et le dimanche une messe aura lieu (s’il s’agit d’une famille chrétienne).

Les croyances animistes sont encore très présentes, et le culte des ancêtres toujours important, particulièrement chez les Ewe. Dans cette région les animistes croient en un être créateur suprême et en de nombreux esprits que l’ont peu contacter pour résoudre ses problèmes (via ses ancêtres). Pourquoi invoque-t-on on les esprits alors ? pas uniquement pour se soigner, mais aussi par jalousie de son voisin. J’ai souvent entendu lors de mon voyage des histoires de personnes convaincues d’avoir été “attaqués spirituellement” pour empêcher. Pour les Ewe, le défunt a 2 âmes (esprits) différentes. Son “âme réincarnée” reviendra habiter le prochain enfant né de la même lignée, alors que son “âme morte” peut en revanche s’attarder avec les vivants et attirer des malheurs.

Le but des funérailles est de libérer l’âme du défunt pour faciliter sa réincarnation, et éviter des problèmes à la famille. C’était mes premières funérailles au Ghana, mais elles sont toutes une peu différentes avec des points en commun. Dans mon cas, tout le monde était rassemblé autour de la maison, un grand classique. Vue de l’extérieur, on pourrait croire à une fête de famille, avec de la musique très forte, des gens qui dansent - l’ambiance est plutôt décontractée et peu de personnes semblent affligées par la perte.

C’est le côté direct d’ici, si tu n’es pas triste (ou si ce n’est pas le moment) ce n’est pas la peine de le prétendre. A notre arrivée, Sholla était très content que nous soyons venus, un membre de la famille a apporté une bouteille de Gin pour nous tous. Il est mal venu de refuser le premier verre, même si on ne boit pas, il faut prendre un verre et le verser au sol pour le défunt. Plus tard dans la soirée, ils ont sorti une télé avec un film d’action en DVD bien violent, c’était, comment dire, assez surprenant et innovant d’après ce que l’on m’a dit.

Plus classiquement, il y a habituellement un groupe de musique - genre groupe de bandas avec cuivres et tambours, et tout le monde danse (très important aussi). De manière générale, les gens boivent beaucoup (l’alcool est un grand fléau en Afrique de l’Ouest), et les funérailles ne sont pas une exception, bien au contraire. Mais il parait que c’est surtout le samedi avec la mise en terre que les gens boivent le plus.

Vers minuit, ils ouvrent en grand les fenêtres de la maison, c’est l’heure de rendre le dernier hommage au défunt. Tout le monde fait la queue et va rentrer dans la pièce, pour y faire un tour et ressortir. Il n’y avait pas d’obligation mais j’y suis quand même allé et quelle ne fut pas ma surprise en me rapprochant de la pièce. Je pensais au départ que quelqu’un était assis en face la porte d’entrée dans la chambre , pour l’accueil en quelque sorte. En me rapprochant, en fait juste en entrant dans la pièce, je comprends qu’en fait cette vieille femme assise est la défunte !! Elle est assise dans une sorte de robe de mariée blanche, avec devant elle une petite table où des poissons séchés sont étalés comme au marché… L’odeur me saisit, pas celle du poison, elle est morte il y a quatre semaines.

Plus tard, j’apprendrais que c’était son dernier métier avant de mourir, vendre des poissons séchés sur le marché. Je suis pétrifié par la surprise, mais je suis mon précédent sans me poser de questions. 4 femmes sont autour de la défunte, pleurent, crient et lui parlent. Avant que son esprit ne parte, elles lui disent ce qu’elles n’ont jamais eu le temps de lui dire avant. Le choc est assez brutal, le contraste de l’ambiance à l’extérieur rend le contraste encore plus important, ça me parait presque violent sur le moment. Je rentre dans la pièce et je réalise que toute la pièce est décorée du plafond au mur avec du papier rouge et blanc soigneusement découpé - une sorte de bonbonnière ! Derrière la morte, il y a son lit où ils la placeront plus tard pour sa dernière nuit. Tout ça est totalement irréel !

En ressortant, on discute un peu de tout cela, un peu encore sur le choc de la surprise. Sholla n’a pas été la visiter, il n’aime pas ça et ne voit pas l’intérêt de parler à une morte. Le lendemain, il n’aura pas le choix, sa famille le forcera à y rester de 6h du matin jusqu’au départ du corps, il devra aussi rentrer le corps dans le cercueil..tu dois payer ça pour ta grand-mère sera l’explication. Je n’y suis pas allé le samedi, mais tous les Ghanéens que je connaissais qui y sont allés sont revenus passablement saouls… le jour de la mise en terre est le plus terrible. Ce fut mes premières funérailles Ghanéennes, et meme si je ne regrette pas l’expérience, j’espère aussi mes dernières…