Retour au Sahel

femmes peuls

Je n’étais pas en manque de sable, pourtant après quelques jours à Ouagadougou, j’ai pris la route du nord pour la région sahélienne du Burkina-Faso. On m’avait vanté le marché de Gorom-Gorom et je pensais aussi pousser jusqu’à Oursi. Le trajet a donné le ton, beaucoup de vent ce jour là et 8 h à manger du sable dans ce vieux tacot bondé pas hermétique, avec la tenace impression, la destination approchant, de revenir en arrière en Mauritanie. Drôle de sensation de marche arrière, heureusement que les gens et les constructions sont différentes sinon j’aurais cru que la fièvre était de nouveau là.

Le lendemain, le jour du marché, le vent maladif de l’harmattan était plus calme et les rafales de poussières intermittentes. Le coin et le marché sont peu banals en effet - tous les gens du Sahel et du désert semblent s’y retrouver - Touaregs, Maures, Maliens, Nigériens, etc. Cette région est assez spéciale car en dehors des jours de marché, elle regroupe en simplifiant (sinon dans les détails c’est trop compliqué pour moi) des Songhay (des blacks sédentaires), des Peuls (des blacks nomades mais qui se sont aussi sédentarisés pour certaines familles) et majoritaireùment des Kel-Tamashek (des touaregs qui ont leur orignie en Algérie).

Comme des fouilles à Oursi l’ont mis à jour, la région était un noeud commercial important depuis le Xème siècle (peut-être avant même). Les Touaregs du nord descendaient en caravane le sel si vital ainsi que du thé et d’autres objets. Ils remontaient avec de l’or et des esclaves - les grandes familles locales se chargeaient de trouver des esclaves (vive la guerre). De nos jours sur le marché, des touaregs viennent toujours, mais en camion, vendre du sel (et du thé) qui vient du nord de Tombouctou (après Arouane), par contre ils ne repartent plus avec de l’or (y en a plus) ni avec des esclaves (enfin j’espère).

Je retrouve aussi à ma surprise des attitudes et des comportements que je n’avais plus vu depuis que je suis revenu à Segou. Je vais finir par généraliser et croire (bouh que c’est mal) que c’est typiquement sahélien ce rapport à l’argent ! Il faut dire que les ONG et les associations pullulent toujours plus au Sahel pour le meilleur et pour le pire, et c’est apparemment le cas également au Burkina. Ici on n’a pas les moyens de refuser une aide, même si l’on pense que l’idée est stupide ou inadaptée, du moment que cela peut amener de l’argent à quelqu’un - cela se fait. Dans les cas les plus inadaptés, une fois l’argent mangé, ces arrogant(es) individu(s)/association(s) repartent en se disant sûrement ils ont rien compris, c’était pourtant une bonne idée.A mes yeux, cette bêtise des personnes qui croit tout savoir et tout comprendre est tout de même moins grave que le sombre mépris des gouvernements, administrations et autres autorités si gourmandes quand des devises arrivent.

Par exemple, si vous vous demandez où sont distribués les derniers sacs de riz avec un drapeau américain et écrit en gros Not For Sale (pas à vendre), ils sont en vente ici sur le marché de Gorom-Gorom et de Oursi pour 10 000 FCA (j’en ai aussi vu d’autres, à plusieurs reprises sur des marchés au Mali). Je ne connais pas les chiffres, mais les plus optimistes que j’ai rencontrés estiment que 90% de l’aide internationnale (EU, US et autres gouvernements) est détournée. Alors c’est sur, le paysan qui a perdu sa récolte à cause des criquets la dernière fois, pour manger il a du payer à crédit 3 sacs de mil au commerçant qui lui en demandera 5 sacs en remboursement - cercle vicieux… je pourrais continuer à rajouter des couches sur ce triste constat de laideur humaine, mais je pense que vous aurez compris ce que je voulais dire, qui est assez convenu et pas bien neuf. Du moment qu’un problème touche les petits, ceux dont la vie ne compte pas, cela n’a pas vraiment d’importance…

M’enfin ! Je m’égare… Le lendemain du marché, l’harmattan a cessé et j’ai accusé le contre-coup. Pas du constat sur la nature humaine (je vis très bien avec, surtout que je suis du côté des privilégiés), mais du climat écrasant et puis sûrement des restes du parasite du paludisme. Bien fatigué, j’ai compris qu’il fallait me reposer et ne pas trop en faire, ici ça se paye de suite et pas à crédit. J’ai donc repoussé mon départ pour Oursi au dimanche, jour du marché. Le sympathique vieux de la mission catholique m’a convaincu de ne pas y dormir, au risque d’avoir du mal à trouver un véhicule pour rentrer (à part payer à prix d’or une moto).

Oursi vaut vraiment le détour, que pour la beauté du site - le village est entre une grande mare et une belle bande de dunes bien spectaculaires. Après un dernier jour de repos, j’ai repris la route de Ouaga ou je compte faire mon visa pour le Ghana, traiter mes oreilles (encore, pffeu) et reparler aux personnes de l’association AREA.