La vie à Korgnegane

Aurelien a l'entree du village de Korgnegane

Le séjour dans l’eau ne transforme pas un tronc d’arbre en crocodile Proverbe écrit sur la porte d’Aurélien

A cette saison chaude et sèche, les hommes ne font pas grand chose. A part ceux qui ont un jardin près des retenues d’eau, les autres semblent juste passer le temps en palabre… souvent une calebasse de Dolo pas très loin. Toutes les récoltes sont finies mil, coton et autres. Plus tard en Mai, quand les pluies viendront, l’activité reprendra - nettoyer les champs et planter à nouveau. La saison dernière n’a pas été bonne, pas assez de pluies. Pour certaine famille, cela veut dire que les réserves seront finies pendant l’été et il faudra trouver un moyen pour acheter de la nourriture (riz ou mil) avant la prochaine récolte. L’autosuffisance pour se nourrir est la règle, le mil préparé en To est servi à tous les repas tous les jours, et seul du “riz sauce” (sauce arachide) est servi les jours de fêtes.

Reste les manguiers surchargés de fruits en ce moment, ils sont abondants au village. Pour l’instant ce n’est pas encore la saison. Le matin, les enfants vont chercher avec une perche les mangues mures pour leur consommation, ou pour vendre au marché de Dissin, ou encore nous en amener avec un grand sourire en prime. Plus tard à la saison des mangues, il y a en aura tellement qu’ils en donneront directement aux cochons.

Seules les femmes semblent actives, comme Severine, la petite de 13 ans de la maison qui aide en tout. Elle se lève vers 5h, nettoie la cuisine, prépare le repas, nettoie la maison, va chercher l’eau au puits dans une énorme bassine qu’elle ramène sur la tête, va chercher du bois, servir les aînés, va faire les courses à 2 kms de là s’il manque quelque chose, balaie la cour, et dans son cas, elle va aussi à l’école quand elle a lieu (le matin ou l’après-midi). L’analphabétisme reste important, dans la famille je peux juste parler français avec les jeunes Aurélien et Severine qui nous servent de traducteurs. Ils restent d’ailleurs tout le temps avec moi et m’accompagnent en tous lieux, à mon service pour ainsi dire (l’invité est une sorte de grand-frère).

Le 8 mars, le jour de la fête internationale de la femme est un vrai jour de célébration au Burkina-Faso. Les femmes défilent dans la rue principale de Dissin et se réunissent sur le stade pour une cérémonie avec les autorités et la population. Les quartiers et villages de la commune sont représentés par des groupes de femmes, qui, pour les plus organisées créent des tenues faites pour l’occasion (comme l’a fait le groupe de femmes de Korgnegane). Après les discours officiels autour du thème de l’année (le Sida), les différents groupes de femmes interprètent des chansons ou des scènes de théâtres sur le thème. Malgré le sérieux du sujet, l’humour est souvent présent et l’hilarité du public fréquente. Que dire de la situation des femmes du Burkina ? dureté de la vie, excisions, viols, violences conjugales, humiliations en tous genres, toujours aux premières loges des mals de leur pays. Mais il faut voir avec quelle dignité et fierté elles défilent ce jour-là.

Dans le public, peu d’hommes sont présents pour assister à la cérémonie, beaucoup ne voient pas en quoi leur sort est plus à plaindre que celui des hommes. Ils ne partagent pas toujours l’envie de voir la condition de la femme changer, et par delà, toute la base de la structure familiale africaine. L’après-midi ils seront plus présents pour assister au match de foot femmes contre hommes. C’est bon enfant et plutôt très drôle. Cette fois ceux sont les femmes qui ont gagné (2-0). Le soir, un bal à Dissin est prévu, mais le prix est trop cher cette année pour les femmes de Korgnegane (200 FCFA pour une personne, 500 FCFA pour un couple (0,8EUR), elles préfèrent organiser un bal poussière avec les balafons du village - qui n’aura pas lieu au final faute de l’absence des joueurs de balafon (sûrement partis au bal).

J’aurais peut être du rester plus longtemps, j’avais encore beaucoup de choses à découvrir et à apprendre. Mais quel est ma place dans cet univers ? si je pouvais juste devenir un insecte et voir la vie suivre son cours… Je suis reparti le coeur léger de celui qui part en pensant revenir, indécis sur la suite du parcours. Après réflexion, j’étais plutôt partant pour Leo à l’Est, au lieu de rejoindre Boromo au Nord-Ouest sur la route Ouaga-Bobo. J’avais surtout envie de me laisser porter plus que de décider, comme le jour de mon arrivée. Arrivé en ville tôt le matin, j’apprends que le bus pour Leo est à 14 h, un Lipton plus tard il ne passe finalement que le lendemain. Un bus pour Bobo est sur le départ, c’est parti pour Boromo alors.

Dans le bus, j’ouvre le guide et cela me décourage - changement de plan, je vais essayer d’aller à Koudougou directement. Arrivé sur la route de Bobo-Ouaga, je descends à peine du bus qu’un autre bus arrive, il part pour Koudougou - tout s’enchaîne fluidement ce matin. A midi me voilà à Koudougou, de nouveau en ville.