Arrivée à Korgnegane

Une partie de la famille Somé

Comme tous les matins à Gaoua, je suis réveillé un peu avant 6 h par la radio du magasin d’en face. Ce matin, je ne me sens pas bien, pas motivé pour partir à la recherche de Korgnegane. Tout plein de bonnes excuses pour ne pas bouger, je redoute un peu cette journée. Même si je sais qu’il ne doit pas y avoir de problèmes, vu l’échange de mails que j’ai eu avec une personne de l’association Valady-Korgnegane. Trouver un village dont je sais juste qu’il ne doit pas être loin de Dissin, sans trop savoir où je vais dormir et manger, ce matin cela m’angoisse, je ne sais pas pourquoi. Arrivé à la station de bus, j’explique où je veux aller, s’ensuit une discussion entre-eux pour trouver la meilleure solution pour moi, s’arrêter à la ville de Diebougou ou bien pousser plus loin au carrefour de Djikologo. Ils me conseillent de descendre à la ville de Diebougou et de là chercher un bus pour Dissin. Je les ecoute alors que j’avais noté tout l’inverse dans mon carnet, j’avais sommeil et plus envie de me laisser porter qu’autre chose. Une fois descendu à Djebougou, on m’explique mon erreur, j’aurai du descendre au carrefour plus loin, c’était plus simple. Pas grave, il est 9h et je suis confiant, je vais bien y arriver. Mais je me doutais pas qu’il me faudrait attendre 16h30 dans cette gare routière pour enfin en repartir. J’ai d’ailleurs raté une autre occasion dans la journée (une voiture de bonne-soeur), et j’ai finalement pris un bus pour le carrefour alors qu’un bus direct pour Dissin ne devait pas tarder. Au carrefour de Djikologo, tout s’enchaine, un mini-bus est là sur le départ, j’explique à un des gars où je veux aller. Son regard s’illumine “je suis de Korgnegane, je vais t’y amener”. Il s’occupe de tout pour moi, négocie le prix du bus, me fait asseoir avec lui et m’explique qu’il connait la maison où vont les étrangers et qu’il veut m’y amener. Normalement il devait continuer la route avec le bus, mais il met un point d’honneur à m’accompagner. Ce n’est pas une question d’argent, pour lui cela serait comme “refuser un signe que Dieu met sur ton chemin”. Je ne suis pas sur d’être un signe de Dieu, mais en tout cas ma chance a tourné dans cette journée, je sais que je vais y arriver et dans les meilleures conditions - j’en viens à une sorte de fatalisme à mon tour et me dis que j’ai bien fait de me laisser porter aujourd’hui et que tout ces retardements avaient un sens !Arrivé à Dissin, il nous reste 2 kms à pied pour rejoindre le village de Korgnegane. Sur la route, il s’arrête pour saluer sa famille et leur dire qu’il passera la nuit avec eux. En voyant mon sac, son frère aîné insiste pour le prendre sur son vélo et nous accompagner. Je finis le chemin léger pour monter la dernière butte qui mène à la belle entrée du village avec tous ces grands manguiers. Encore quelques chemins pour arriver à la maison de mon hôte, à ma grande surprise je tombe sur une autre toubab, Blandine qui est venu avec sa petite fille Margot. Elle est en train de filmer de loin la fin des funérailles d’une voisine. Elle est venue à plusieurs reprises au village et m’explique ce qu’elle sait. La ceremonie des funerailles aura duree 3 jours et se termine ce soir, c’était une voisine de 38 ans. Même si le mari (assez age) perd pour la 3ème fois une femme, il a été clarifié qu’il ne s’agit pas d’un problème de “démon”. Le village est très catholique mais les rites et croyances animistes sont très présents. Durant les funérailles, le Dolo (bière de Mil faite sur place) a bien coulé, mon hôte Martin arrive bien éméché et s’étend pour récupérer les bras en croix sur le carrelage du tombeau de son père dans la cour de la maison. Je me présente aux personnes qui sont rentrées et j’explique comment j’ai atterri ici, je ne suis pas de Valady mais je viens de la part d’un des membres de l’association. C’est le père dont le tombeau est dans la cour qui avait etabli le contact avec une personne de Valady. En son nom (du poids des ancêtres), la famille depuis continue de recevoir des étrangers. Ils m’accueillent avec une bonté et générosité incroyable (j’ai failli dire naturelle, mais la bonté n’a rien de naturel, non?). Ce soir là, ils me donnent une chambre avec un lit qui est réservé aux étrangers, et puis un sot d’eau pour pouvoir me laver dans la salle de bain “en plein air”. A la nuit tombée, Valérie (la 1ère femme de Martin) prépare sur le feu dans le coin de la cour le Tô (pâte de Mil accompagnée d’une sauce) pour tout le monde. Comme il y a des invités, l’etiquette semble strictement respectée. D’abord les invités et les hommes mangent, suivi des femmes, puis des enfants, et les restes sont données au chien et cochons de la maison.Je vais vous raconter plus de détails plus tard, mais pendant ces quelques jours passés au village de Korgnegane j’ai repensé au film “le nouveau monde” et surtout les scènes où l’acteur découvre la vie dans le village indien (je vous le conseille si vous ne l’avez pas vu). Pourtant, cela n’a pas grand chose à voir, tout ici est moins féerique que dans l’idéal d’un film. Le rapport à la nature comme au corps est bien loin de l’écologie fantasme telle que l’a pensé l’Occident, tous les deux sont un instrument de travail et de production pour la survie. Tout comme l’harmonie entre les êtres reste précaire et les problèmes entre individus similaires à ce que l’on peut vivre ailleurs. Mais en même temps, j’y ai vecu et ressenti cette chaleur si particulière qui semble vouloir disparaître de nos modes de vie moderne. Dans ce sens, j’ai même plus l’impression que c’est nous “les pauvres” et les “sous-développés” et que nous avons encore beaucoup à (re)apprendre…