Ca dérape à Bobo

parking rue de Bobo

Bobo est une grande ville étalée, son centre a de petites rues ombragées, la circulation y est dense mais sans plus (vélos et motos plus que taxis). Notre auberge est dans un quartier résidentiel à côté du centre, tout est calme. Tout ça me donne l’impression d’être dans un grand village engourdi par la chaleur. A l’auberge, en plus de Xavier, le lendemain arrive un énorme camion - c’est Mathias et sa maison.Mathias est un personnage assez atypique, j’imagine que dans la presse il l’appellerait neo-nomade - ce qui ne veut rien dire, mais ça sonne bien, c’est ça l’essentiel ! Il est allemand converti à l’Islam. C’est à la fois un businessman (bourses et investissement divers) et un voyageur au long cours un peu fou-fou dans son genre (il le faut pour aller en Afghanistan juste après la chute des Talibans). Il connait très bien l’Asie, l’Asie centrale et le Moyen Orient qu’il a longuement visité avec son précédent camion et cette fois il fait un tour en Afrique de l’Ouest. Il pensait remonter par le Niger et l’Algérie mais il est en train de changer de plan et après le Ghana il veux revenir par la côte (Côte d’Ivoire, Sierra Leone, Liberia, Guinée, etc…).Par respect pour leur intimité (ou par flemme) je ne vous raconterai pas les détails, mais Xavier et Mathias ont beaucoup de points en commun sur ce qu’ils ont vécu ces derniers mois de voyage. Ce qui pourrait finir par rendre le très pragmatique Xavier totalement incrédule face à l’enchaînement des circonstances depuis qu’il est au Burkina… Même si la ville de Bobo est la ville touristique de la région touristique du Burkina, je trouve les gens très agréables et même les guides/vendeurs pas aussi insistants qu’au Mali. J’ai finalement passé un peu plus d’une semaine à Bobo, ce qui a permis de faire de bien sympathiques rencontres en plus des 2 comparses de l’auberge.Après une journée de vent, de sable et de brume (si si, une sorte de brume), la ville s’est brutalement réveillée le lendemain avec 2 jours de manifestations apparemment assez violentes. Bobo n’avait pas connu ça depuis très longtemps, elle a la réputation d’etre calme, c’est pour les gens (les politiques en premier) un signe fort qu’ils n’ont pas négligé. Ces manifestations avaient lieu contre la vie trop chère, des produits courants ont une inflation délirante depuis le dernier mois (de 10% à 65% suivant les produits). Je suis resté étranger à tout cela. La première journée tout se passe au centre ville, nous sommes allés nous baigner dans les rivières environnantes.Le lendemain, même si tout était fermé au centre, les manifestants étaient dans la périphérie pourchassés par les militaires. Je n’aurai vu que les stigmates dans la ville, les feux de signalisation détruits, les traces de barrages sur la route, et surtout des militaires à tous les coins de rues. En me promenant dans la ville calme, je me suis fais accoster à plusieurs reprises pour discuter avec des commerçants assis devant leur boutique fermée. C’est un vrai ras-le-bol ils trichent [le gouvernement est corrompu] et nous, on est assez gentil pour ne rien dire, mais là, ils nous pressent encore - comment on va faire pour manger si ça continue comme ça… tseu, c’est plus possible ! ou encore au Burkina [souvent en comparaison du Mali], l’Etat il a de l’argent mais pas le peuple - nous on ne voit rien, où il passe tout cet argent et cette aide qu’il recoit de l’étranger - nous on ne voit jamais rien !.Il faut dire aussi que le Burkina a connu dans son proche passé un président qui est toujours présent dans les mémoires des Burkinabè mais aussi de beaucoup d’autres pays africains. Malgré un penchant de dictateur autoritaire, en 5 ans Thomas Sankara aura montré qu’il est possible de s’attaquer aux problèmes d’un pays africain comme la corruption, la santé, l’éducation, le droit des femmes, etc… son assassinat prouve aussi que l’on ne se fait pas que des amis avec ce style de politique d’affranchissement (la France n’était pas vraiment enthousiaste par exemple). Les manifestations se sont arrêtées ce week-end après la visite des ministres qui se sont engagés à agir ! Par contre, il est clair que si dans une semaine il ne se passe rien, ça va repartir….