Fes sous la pluie

C’est sous la pluie que j’ai quitté ChefChaouen et traversé des terres bien mornes sous ce ciel gris pour rejoindre Fes.

median Fes

Ma première visite à Fes m’avait beaucoup marquée et c’est clairement la ville que j’avais preférée - tout me semblait ici plus exacerbé qu’ailleurs. J’étais curieux de ma réaction à cette seconde visite avec mon regard qui a changé. La médina est toujours aussi tentaculaire et labyrinthique, impossible de ne pas s’y perdre. Le mouvement reste paradoxal, tout semble en mouvement et chaotique si l’on bouge alors qu’il suffit de s’asseoir un moment pour ne voir que lenteur, et le temps qui s’égraine doucement pour tous les vendeurs et habitants. La lumière changeante sur la journée était incroyable, avec les hauts murs et les rues étroites, les passages couverts et sombres où filtrent un rayon vif et blanc….j’adorai ca, mais sous la pluie et le ciel gris pas de jeu de lumière pour cette fois. La grande nouveauté c’était l’attitude des gens dans la médina, qui est passé à Fes sait à quel point cela pouvait être dur les 1ères heures, mais les rabatteurs omniprésents et parfois durs du passé semblent être devenus des agneaux. On te propose quelque chose, tu refuses et après un classique “bienvenue” ca s’arrete la, sacrée surprise plutôt très agréable pour le touriste que je suis. Sachant bien qu’il n’existe pas de miracle, j’avais bien remarqué quelques flics en plus dans la rue mais sans plus. J’ai eu plus tard la confirmation de Fassi (habitant de Fes), il y a tout plein de flics en civil dans la medina pour faire régner l’ordre.Comme tout le Maroc (objectif 10 millions de visiteurs par an), Fes développe énormément son tourisme et cela se voit bien - restaurations et fléchages dans la medina, travaux dans la ville nouvelle, et aussi un énorme complexe touristique sur des hectares a l’entrée de la ville (”Oued Fes”). Tout semble tourné vers le tourisme dans cette ville, excentrée géographiquement par rapport aux autres, elle ne semble pas bénéficier de l’axe de développement Tanger/Rabat/Casa/Marrackech. Le problème du tourisme comme seul levier économique est qu’il reste très inégalitaire et il n’est pas suffisant. Bien sur cela crée des emplois, mais saisonniers et payés aux tarifs en vigueur (qui pour l’instant sont pas tops mais bon cela dépend du point de vue j’imagine), comme d’habitude c’est surtout une minorité qui encaisse les gros bénefs (bouhou les mechants !!!). Cela crée une insatisfaction et exasperation que l’on peut voir de temps en temps mais c’est souvent contenu (cf présence policière et bussiness oblige). Contrairement au passé j’ai rencontré plusieurs personnes, toujours à voix basse comme on délivre un secret dans la rue, qui n’hésitent plus à critiquer le Roi. Le jeune beau et dynamique souverain n’a pas que des admirateurs dans son royaume (en tout cas à Fes j’en connais au moins quelques un, si la police veut les noms je suis disponible (50dh par tête)). Ils considèrent que le Roi, et 7/8 autres personnes de son entourage (je sais pas qui mais ça à l’air précis), détiennent le pouvoir dans le pays (politique, économique et médiatique) et qu’ils sont responsables du statu quo actuel. Bien sur ils font bouger les choses, mais d’abord pour eux et leurs affaires et le monsieur lambda de la rue a l’impression que sa situation empire et ne voit pas bouger des problèmes comme l’emploi, la corruption, l’éducation, etc !!Notre rôle, enfin celui de nos gouvernements (”occidental”) dans tout ca, c’est un jeune dans le bus de Beni Mellah qui me l’a le mieux résumé. Pour lui, nos gouvernements par leurs attitudes et bienveillances légitimisent et donnent le crédit à leurs dirigeants. Il allait plus loin encore, car pour lui ce maintien de la pauvreté et de la précarité (main d’oeuvre pas chère) est intentionnel - de la part de son Roi mais surtout de “l’occident”. Cette thèse (sur le rôle de “l’occident”) me semble assez répandue, et c’est par exemple une des raisons de la popularité d’un Saddam Hussein parmi la population. Au delà du despote que nous voyons, il représente une forme de résistance face à “l’occident”, qui avait la volonté “de développer un pays fort et juste” (l’éducation est souvent citée en exemple). Pour pas mal de gens, l’attaque de l’Iraq au delà de l’enjeu énergétique est une affirmation de briser tout peuple (arabe) qui aurait la volonté de s’affirmer et de devenir indépendant…enfin tout ca me rappelle le livre que je lis en ce moment mais je vais fermer la parenthèse dejà trop longue.Finalement je ne suis pas resté très longtemps à Fes, flaner dans les rues avec les averses n’était pas des plus agréables. J’ai bifurqué vers le Sud, enfin vers le centre où en retrouvant le soleil j’ai aussi trouvé le froid et la neige !! J’ai pu surtout découvrir une vallée de rêve…ps: j’ai une bonne semaine de décalage, j’etais à Fes fin de semaine dernière - mais bon on dira que les nouvelles technologies sont un peu lentes…c’est pas possible que ce soit moi !